Pas un documentaire. Pas un essai. Pas un livre historique. Mais un roman. Documenté. Engagé. Ancré dans une histoire algérienne.
Kamel DAOUD, Houris, Gallimard, 412 pages
« Houris » est le roman des années noires de l’Algérie, celle d’une décennie (1990-2000) qu’on a voulu effacer de la mémoire nationale, préférant de loin entretenir celle d’une autre guerre.
« Houris » est une histoire de femmes. Les vierges sublimes et sublimées du paradis terrestre et les femmes enlevées, égorgées, condamnées au silence.
Houri est une enfant dans un ventre qui entend toute l’histoire de cette décennie de malheur à travers la voix de sa mère muette à cause du geste de l’égorgeur. L’épaisseur d’un ventre comme une muraille au travers de laquelle se dit la vérité d’une histoire qu’on a voulu nier. La parole en sourdine et parfois en cris parvient à l’oreille du lecteur stupéfait.
Ce livre écrit dans une langue intérieure, orientale, emphatique parfois, est un texte important. Parce qu’écrire c’est aussi percer le silence, Kamel Daoud tranche dans cette histoire méconnue des occidentaux et prend le risque de traduire l’omerta et de faire parler les parias.
Un livre comme un champ de bataille et un chantier de reconstruction. L’inverse d’une fable des mille et une nuits.
* Extrait
» Quand ne survit qu’une seule personne d’une guerre entière, cette guerre devient le fait de son imagination, le seul endroit où elle possède un champ de bataille. »
Par Nadine Brunelot | 26 octobre 2024