❤️ Coups de cœur

Paul est né à Toulouse d’une mère cinéphile française et d’un père pasteur danois. Mais pour l’instant, il partage une cellule d’un pénitencier canadien avec Horton, un ancien Hells Angel. Paul est un gentil et l’on n’apprendra que vers la fin pourquoi il est emprisonné, mais ce qui est sûr qu’il ne faut tout de même pas trop le chercher. À suivre Paul, on va côtoyer l’effervescence d’un cinéma d’art et d’essai toulousain en 1968, une famille danoise serrée autour d’un temple ensablé dont seul dépasse encore le clocher, la mesquinerie des résidents d’une résidence de bon niveau à Montréal. Jean-Paul Dubois, une fois encore, nous fait vibrer avec des personnages forcément plus complexes qu’ils ne le semblaient au début, le pasteur devenant un joueur invétéré, le Hells Angel laissant percer son grand cœur. Et une question éternelle : De quoi sont faits les hommes ? >>> Jean-Paul Garagnon

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Quelque part au fond d’un pays où des blancs ont parqué les autochtones dans des réserves, à la limite, entre l’autoroute et la forêt, là où les deux communautés se côtoient encore, on pourrait dire « se frictionnent » toujours. Des femmes disparaissent, des viols sont commis et puis des hommes sont attaqués par d’étranges créatures, mi hommes, mi bêtes, mi esprits de la forêt (oui, mais ça dépend de la grandeur des moitiés…). Il y a des hommes qui se battent pour préserver la forêt, il y a ceux qui n’ont pas trop le choix, les exécutants de la destruction. Il y a des esprits au fond d’adolescents qui voudraient échapper à toute cette merde. Monica Sabolo nous fait démarrer au quart de tour, le roman débutant par les échos d’un premier drame, avant de remonter le temps puis de repartir en avant à la suite de Nita, la jeune narratrice, qui suggère les prochains drames, entretenant une tension qui est aussi celle de tous les personnages vibrant dans les frémissements annonciateurs des séismes. Extrait : « Peut-être que ce qui a déjà disparu, ou est en train de disparaître sous nos yeux, nous appelle à plus de destruction encore. » >>> Jean-Paul Garagnon

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Le titre de la première partie du livre « Portrait de groupe » pourrait s’appliquer à l’ensemble du roman ; on précise que le groupe est constitué d’enfants et d’adultes habitant tous au groupe scolaire Denis-Diderot, et que le récit déroule une année charnière pour nombre d’entre eux, l’année 1975. C’est pour la société d’après 68 le passage du noir et blanc à la couleur, de l’hiver à l’été – les trois autres parties du roman s’intitulant « Automne », « Printemps », « Été ». Parmi les enseignants, on trouve des vieux de la vieille, accrochés aux vieilles méthodes et à un autoritarisme certain – quand il ne va pas jusqu’aux châtiments corporels – déstabilisés par les tenants des nouvelles pédagogies inspirées notamment par Célestin Freinet, où l’on tente de développer l’autonomie des enfants. Parmi les enfants, on devine une fibre autobiographique en Philippe Goubert, le maladroit, l’hypersensible, le déjà littéraire. Dans l’obscurité du sous-sol, il s’était vu invité à la télévision, des années plus tard. L’animateur de l’émission du vendredi soir consacrée à la littérature l’interviewait. Il souhaitait comprendre de quand exactement datait sa vocation à raconter des histoires. Goubert prenait une longue inspiration puis racontait froidement l’anecdote de ces deux camarades en train de réparer le vieux vélo et de réduire en miettes la confiance qu’il avait dans les adultes. Il souriait – un sourire bref et glacial – et ajoutait cette phrase qui résonnait dans le studio : « Ce jour-là, je suis devenu un autre. » p. 58 D’emblée, on est conquis par le ton : pas de nostalgie pour un paradis de l’enfance, ni d’amertume ou d’aigreur qui tendrait à nous faire croire que « c’était mieux avant », non mais de l’ironie souvent acerbe (masque de « l’ironie grinçante »), parfois tendre (le fameux oxymore de « tendre ironie ») quand l’auteur nous dépeint l’enseignante – Big Coudrier (is watching you) – à sa fenêtre, à l’affût de collègues adultères, devenant elle aussi une Marie-Salope presque à son corps défendant. On va même jusqu’à rire avec (pas de) ces personnages jamais caricaturaux – même les plus antipathiques sont bien plus complexes qu’au premier abord. Portrait d’une société en pleine mutation, portrait d’un groupe de personnages vivant en vase de moins en moins clos, la grand escapade du titre traduit pour chacun des personnages un bouleversement déterminant dans leur vie. Si l’on a plaisir à entrer dans ce roman où l’on s’amuse à retrouver des figures populaires (pour les plus vieux d’entre nous) telles que Gicquel ou les Rubbettes, on est surpris et saisi par les derniers chapitres qui gagnent en puissance, révélant un très bon auteur (c’est la première fois que je lis Blondel) beaucoup moins léger qu’il n’y paraît, puisque la grande escapade pourrait bien être la dernière pour certains personnages. >>> Christine Zottele, septembre 2019.

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